Départ en retraite, la cession et la résiliation du bail facilitées

Le locataire qui souhaite prendre sa retraite en cours d’exécution du bail commercial pourra bénéficier d’une résiliation facilitée de son bail commercial. Cette faculté vise à permettre aux commerçants de prendre leur retraite en temps et en heure.
Estelle BOCCARA - Responsable du contenu juridique
Estelle BOCCARA
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Publié le :
5 novembre 2020
Temps de lecture :
6 min

Le départ en retraite du locataire d'un bail commercial

Le bail commercial est un contrat de location de locaux servant à l’exploitation d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Ce bail commercial peut être résilié avant le terme de 9 ans par le biais d’une résiliation anticipée avec par exemple la mise en œuvre de la clause résolutoire. Le bailleur et le locataire peuvent aussi décider de résilier le bail commercial à l’issue d’une période triennale. 

Il existe également une possibilité de résiliation anticipée en cas de départ en retraite du locataire. 

Le départ à la retraite est un moment important dans la vie d’un commerçant. Après de nombreuses années à gérer et développer son activité, c’est le moment pour lui de fermer boutique et de profiter d’une retraite bien méritée. 

Mais qu’en est-il de son bail signé généralement pour une période de 9 ans ? 

Le caractère spécial de cette situation a été défini par l’article 145-51 du Code du commerce. Cette situation aura un impact sur le locataire qui devra stopper son activité mais aussi sur le propriétaire qui devra alors rechercher un nouveau locataire. La loi prévoit un assouplissement et facilite ce départ en retraite.

Quelles sont les personnes concernées  ?

Pour pouvoir bénéficier des avantages découlant d’un départ à la retraite, le locataire qui cède son bail commercial devra être :

  • Une personne physique.
  • L’associé unique d’une EURL.
  • Le gérant majoritaire depuis au moins deux ans d’une SARL et titulaire du bail commercial. 

Ces critères prévus par l’article 145-51 du code du commerce sont alternatifs. Il est important de noter que ces avantages ne seront pas accordés si la société est constituée sous la forme d’une SAS ou d’une SASU ou toute autre forme de société non prévue par le Code de commerce.

Un droit de résiliation du bail facilité 

En temps normal, un congé ne peut être délivré qu’à l’issue d’une période triennale, soit au bout de 3, 6 et 9 ans. Concrètement, cela veut dire que si le commerçant souhaite résilier son bail commercial au bout de 2 ans, celui-ci sera tenu de payer la dernière année de loyer avant de pouvoir partir sauf convention contraire des parties.

L’article 145-4 du code du commerce a assoupli cette règle. Il permet à toute personne partant à la retraite et sous réserve de respecter le formalisme prévu à cet article  de partir à tout moment qu'il se trouve en dehors de la période triennale ou pas.

Un certain formalisme devra toutefois être respecté :

  • Un congé devra être envoyé au propriétaire au moins 6 mois avant la date prévue pour la restitution des locaux : Ce congé devra être donné par voie extrajudiciaire (acte d’huissier) ou par lettre recommandée avec accusé de réception. Lorsque le congé est délivré par lettre recommandée avec accusé de réception, la date de notification est la date de présentation de la lettre en vertu de l'article R145-38 du Code de commerce. Cela signifie que le délai de préavis commence à courir à compter de la date de réception de la lettre recommandée par le bailleur.  

  • Le locataire devra continuer à honorer son loyer pendant le préavis : Le délai de préavis peut être supérieur à 6 mois, il s’agit là que d’un minimum mais les parties peuvent convenir d’une autre durée.

  • Si le congé est délivrée au bailleur régulièrement il prendra effet à la date convenue toutefois si le locataire reste dans le local après la date convenue il est réputé comme ayant renoncé au congé délivré. 

Quelles formalités si le locataire décide de quitter les lieux sans vendre son bail ?

Le locataire qui décide de partir en retraite devra prévenir son bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. Il devra bien spécifier qu’il s’agit d’un départ pour cause de retraite. Si le locataire décide simplement de quitter les lieux et de ne pas vendre son bail commercial, il devra uniquement indiquer la date de départ envisagée (au minimum 6 mois à partir de la réception du courrier).

Céder son bail en partant à la retraite, une déspécialisation facilitée

La cession du bail commercial dans le cadre d’un départ à la retraite peut s’avérer être très intéressante  pour le futur retraité. 

En temps normal, il est possible de céder son bail commercial sans demander l’accord à son propriétaire dans le cas où le repreneur rachète le fonds de commerce du cédant. L’activité qui sera exercée par le preneur devra donc être la même  que celle exercée par le cédant ce qui limite les repreneurs potentiels. À ce titre, le propriétaire ne pourra donc pas augmenter le loyer et la vente n’en sera que facilitée. La nouvelle entreprise pourra exploiter son activité dans le local commercial.

Que se passe-t-il si le futur retraité souhaite vendre son droit au bail à un repreneur qui exercera une autre activité ?

Généralement, le propriétaire souhaite maîtriser la destination du bail commercial. Il s’assure ainsi qu’aucune activité non-voulue ne puisse  être exercée dans les locaux. 

Le locataire ou futur preneur qui souhaite modifier tout ou partie de l’activité actuellement autorisée devra procéder à une demande de déspécialisation à son bailleur

L’article L145-51 du Code de commerce prévoit la déspécialisation automatique du bail commercial lorsque le cédant part en retraite, cette disposition a pour but de faciliter la recherche de repreneur. Ainsi, n’importe quelle activité pourra désormais être exercée dans les lieux sans que le propriétaire n'ait à donner son accord.

Le futur retraité devra informer son bailleur et ses créanciers de son intention de céder le bail ainsi que la nature des activités envisagées par le repreneur en cas de déspécialisation. Le bailleur a plusieurs possibilités : 

  • Exercer son droit de préemption : le bailleur dispose d’une priorité de rachat du bail qu’il doit exercer dans les deux mois suivant l’information de la signification. 

  • Accepter la cession : le défaut d’exercice de son droit de préemption vaudra accord du bailleur pour la cession du bail commercial dans le cas où il ne saisit pas le juge. 

  • S’opposer à la déspécialisation : le bailleur peut toutefois s’opposer à la modification de l’activité exercée par le repreneur dans le cas où elle est incompatible avec la destination de l’immeuble. Pour s’opposer à cette déspécialisation, le bailleur devra saisir le juge du Tribunal Judiciaire dans les deux mois suivant la signification. 

À noter : Il est toutefois important de noter que les activités autorisées doivent être en adéquation avec les caractères, la destination et la situation de l’immeuble. Vous l’aurez compris vous ne pourrez pas installer n’importe quelle activité. Il est donc important de regarder au cas par cas si l’activité est possible. Notamment pour des activités nécessitant des installations particulières comme la restauration. Il faut que le règlement de copropriété l’autorise et que les travaux de mise en conformité (extraction, bac a graisse…) soient possibles.

Le revers de la médaille pour les préretraités qui souhaitent lancer leur activité

Les facilités de résiliation et de cession du bail commercial pour les préretraités peuvent amener les bailleurs à se poser des questions quant à l'intérêt d’avoir un locataire proche de la retraite pour leur contrat de location commerciale. Ils risquent en effet de se retrouver avec un nouveau locataire non choisi et pouvant pratiquer une activité différente de celle autorisée initialement.

Cette situation freine ou empêche parfois le développement d’activités lancées par nos jeunes futurs retraités. Toutefois les bailleurs peuvent proposer des alternatives au bail commercial classique en proposant notamment un bail dérogatoire. Ce type de bail apporte l’avantage d’une plus grande souplesse au bailleur tout en conférant de solides garanties au locataire du local commercial sur une durée plus courte.

À noter : que vous soyez propriétaire d’un local commercial ou preneur, vous avez le droit de vous faire conseiller par un avocat. L’avocat pourra vous apporter un véritable accompagnement juridique notamment en droit de l’immobilier commercial. Vous pourrez solliciter des conseils personnalisés pour votre entreprise (résiliation et renouvellement de bail, indemnité d’éviction, changement d’usage …). Votre avocat pourra vous accompagner dans le règlement des litiges au niveau amiable mais également au contentieux à tous les stades de la procédure. 

Mise à jour le : 5 novembre 2020
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