Décès du locataire, quel impact sur un bail commercial ?

Le décès du locataire peut survenir en cours d’exécution du bail commercial. Cette situation délicate et malheureuse ne vient pas pour autant mettre fin à l’exécution du contrat qui liait le locataire défunt et son bailleur.
Estelle BOCCARA - Responsable du contenu juridique
Estelle BOCCARA
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Publié le :
5 novembre 2020
Temps de lecture :
5 min

La décès du locataire d'un bail commercial

Il est possible d’insérer dans le bail commercial une clause qui vise à prendre des dispositions particulières si la situation venait à se présenter. Dans le cas contraire, le bail commercial ainsi que les obligations qui en découlent pourront en effet être repris par les héritiers.

Que devient le bail lors du décès du locataire ?

Le bail commercial ne s’arrête pas au décès du locataire, il continue de courir et protège ainsi l’activité du défunt et ses héritiers. Le propriétaire devra toutefois agir vite et rentrer en contact avec le ou les héritiers. Cette tâche difficile pourra être confiée à un Officier public à condition que le bail ait été rédigé par un Notaire. Ces dispositions sont encadrées par l’article 1742 du Code civil qui prévoit que : 

“ Le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur ” .

Les démarches à effectuer en cas de reprise du bail par les héritiers

Dans le cas où les héritiers souhaitent reprendre l’activité, le bail commercial sera alors transféré à ces derniers. Cette reprise ne se fera pas automatiquement, un laps de temps et des procédures sont nécessaires. 

Les héritiers ont l’obligation d’être inscrits au répertoire des métiers ou au RCS (registre du commerce et des sociétés) pour pouvoir reprendre l’activité du défunt. L'article 145-1 du Code de commerce prévoit que le statut des baux commerciaux est applicable aux héritiers inscrits au RCS.

La demande de maintien de l’immatriculation du défunt permet aux héritiers de bénéficier du droit au renouvellement du bail commercial. 

Remarque : Dans le cas où les héritiers ne peuvent pas être immatriculés, il est possible de choisir un locataire-gérant ou de demander le maintien de l’immatriculation du défunt jusqu’à ce que la succession soit en effet liquidée.

Quelles solutions si les héritiers ne reprennent pas l’activité ?

Les héritiers peuvent choisir de ne pas reprendre l’activité du défunt pour diverses raisons. Plusieurs options s’offrent alors aux héritiers du défunt :   

  • Renoncer à la succession : Les héritiers peuvent s’ils le décident, renoncer à la succession et ainsi se dégager du paiement des charges et des dettes conformément à l’article 804 du Code civil. Si les héritiers décident de renoncer à la succession, ils devront en faire la demande auprès du Tribunal compétent ou du Notaire qui est chargé de la succession. Une fois la renonciation actée, elle devient alors opposable aux tiers, le bailleur ne pourra plus réclamer les arriérés de loyers qui courent jusqu’à la date de renonciation de la succession. 

  • Céder le droit au bail : les héritiers devront partir en quête d’un repreneur. Ils devront pour cela vérifier si le bail commercial comporte une clause prévoyant l’accord du bailleur en cas de cession du bail commercial. Les héritiers devront prendre en compte la destination du local et vérifier le règlement de copropriété pour vérifier si les activités envisagées par le repreneur sont autorisées par le règlement. Les héritiers pourront donc vendre le droit au bail et le fruit de cette vente entrera alors dans l’actif successoral.

  • Résilier le bail : En temps normal pour résilier un bail, il faut attendre la fin d’une période triennale soit au bout de 3, 6 ou 9 ans. Cela peut être compliqué pour des héritiers ne souhaitant pas reprendre l’activité. C’est pourquoi la Loi Pinel a assoupli cette règle en permettant  aux héritiers du locataire défunt de résilier le bail commercial en dehors de la période triennale. Les héritiers peuvent donner congé à tout moment. Cependant ils devront toutefois respecter un préavis d’un délai de 6 mois et payer le loyer pendant cette période pour que le congé soit régulier. Un seul acte de résiliation est suffisant pour l’ensemble des héritiers de la succession. 

  • Rechercher un repreneur : Il est possible de céder gratuitement le droit au bail à un repreneur avec l’accord du bailleur. Cette possibilité permet aux héritiers de se dégager rapidement de leurs obligations.

  • Céder le fonds de commerce : il est également possible pour les héritiers de procéder à la cession du fonds de commerce. Lorsque la cession du bail commercial s’accompagne de la cession du fonds de commerce l’accord du bailleur n’est pas nécessaire. 

Le bailleur peut-il prévoir des dispositions particulières pour anticiper le décès de son locataire ?

Pour prévenir d’éventuels problèmes liés au décès de son locataire, le bailleur peut insérer une clause qui prévoit la résiliation du bail commercial en cours au décès du locataire

L’article 145-9 du Code de commerce prévoit  que cette résiliation ne peut intervenir pendant les 9 années du bail commercial 3,6,9. À l’issue des  9 ans le bailleur pourra  décider de ne pas renouveler le bail et si le bail comporte ce type de clause (prévoyant l’exploitation permanente des locaux commerciaux) il devra notifier la résiliation du bail pour décès aux héritiers du locataire. Le bailleur reste toutefois redevable d’une indemnité d’éviction aux héritiers.

Lors du décès du locataire, les clauses résolutoires sont-elles toujours d’actualité ?

Dans la grande majorité des baux, une clause résolutoire est insérée pour prévenir des manquements éventuels du locataire en place. Pour être effective, cette clause doit être explicitement inscrite dans le bail. En cas d’impayés, le propriétaire pourra alors activer cette clause et procéder à l’éviction de son locataire. Dans le cas où les héritiers manqueraient à leurs obligations, notamment en ne payant pas le loyer et les charges, le bailleur pourrait alors se retourner contre eux et faire jouer la clause résolutoire et ainsi récupérer les clefs de son local sans avoir d’indemnités à verser.

Ce qu’il faut retenir du bail commercial lors du décès du locataire

Un décès est toujours une situation malheureuse et difficile. Il est donc important de bien connaître ses droits et d’anticiper rapidement si l’activité du défunt sera reprise ou non. Les héritiers ont plusieurs options après le décès du locataire : 

  • Reprendre le bail.
  • Renoncer à la succession.
  • Céder le droit au bail.
  • Vendre le fonds de commerce.
  • Résilier le bail commercial.
  • Rechercher un repreneur. 

Il est très important de savoir si les héritiers souhaitent continuer ou arrêter l’activité. Plus cette décision sera prise tôt et plus les répercussions éventuelles seront limitées. Chaque mois qui passe peut représenter un coût financier important pour les héritiers. 

Remarque : Le décès du bailleur ne met pas non plus de terme au bail commercial comme le prévoit l’article 1742 du Code civil. Si le bailleur est en contact avec un héritier du bailleur, il pourra s’adresser à lui directement. Dans le cas contraire, il devra se retourner vers les tribunaux compétents et demander la désignation d’un administrateur pour pouvoir adresser les actes relatifs au bail commercial (demande de renouvellement,  congé…). 

À noter : chef d’entreprise locataire ou bailleur, vous avez le droit de vous faire conseiller par un Avocat. L’Avocat pourra répondre à vos interrogations relatives à l’état du droit et à votre bail commercial (congé, renouvellement, résiliation, loyer des baux commerciaux…). Il pourra vous accompagner dans la rédaction de votre contrat de location commerciale ou en cas de conflit au niveau amiable ou en contentieux judiciaire devant le tribunal compétent. 

Mise à jour le : 5 novembre 2020
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