Quelles différences entre la cession d’un droit au bail et la vente d’un fonds de commerce ?

Pour ouvrir et lancer votre activité, vous allez obligatoirement devoir partir en quête d’un local commercial. S’il est facile de s’y retrouver avec des critères comme l’emplacement, le prix ou les conditions techniques, certaines subtilités juridiques peuvent avoir d’importantes répercussions sur votre futur business.
Estelle BOCCARA - Responsable du contenu juridique
Estelle BOCCARA
Responsable du contenu juridique
Publié le :
3 novembre 2020
Temps de lecture :
7 min

Différence entre cession du droit au bail et cession de fonds de commerce

Au cours de vos recherches vous allez certainement entendre parler de droit au bail et de fonds de commerce. Quoi qu’il en soit, les deux sont attachés à un prix de vente défini par le vendeur. Il existe des différences importantes entre ces deux notions. 

Pour vous aider à y voir plus clair, voici quelques informations qui vous permettront de cerner les contours de ces deux notions.

Qu’est-ce qu’un fonds de commerce ?

La notion de fonds de commerce n’est pas définie clairement par le Code de commerce. Les articles L. 141-5 et suivants du Code de commerce viennent simplement présenter une liste non exhaustive des éléments qui composent ce fonds de commerce.

La jurisprudence est venue toutefois définir les contours de cette notion en considérant que l’on entend pas fonds de commerce :  « l’ensemble d'éléments corporels et incorporels affectés à l'exploitation d'une activité commerciale ou industrielle ». 

En d’autres termes, c’est l’ensemble de ces éléments qui sont bien souvent inséparables qui vont servir à évaluer la valeur d’un fonds de commerce et donc son prix de vente.  Il est donc nécessaire de distinguer l’ensemble de ces éléments et il en existe deux types :

Les éléments corporels :

  • Le matériel
  • La marchandise
  • L’enseigne
  • Les travaux
  • Le mobilier

Les éléments incorporels : 

  • Le nom commercial
  • La clientèle
  • Les adresses emails
  • Le droit au bail

Certains éléments ne rentrent toutefois pas dans la valeur du fonds de commerce comme les créances et les dettes. On peut également y ajouter le stock qui fait généralement l’objet d’une négociation en parallèle.

Qu’est-ce que le droit au bail ?

Lorsque vous occupez un local commercial pour y développer votre activité, vous signez un bail commercial avec votre propriétaire. Plus simplement, vous payez votre loyer et vos charges pour que le propriétaire du bien vous laisse exercer votre activité de le local

Ce bail commercial détaille les droits et les obligations de chacune des parties ainsi que sa durée qui est initialement prévue pour 9 ans. La grande majorité des baux étant des baux commerciaux 3,6,9

Lorsque le locataire en place souhaite arrêter son activité, il peut alors choisir de vendre sous deux formes.

Il peut : 

  • Vendre son fonds de commerce qui inclut le bail commercial, il sera alors obligé de trouver une personne qui reprendra et exercera la même activité que lui. Ce qui réduit forcément le nombre de potentiels repreneurs. 

  • Il peut également choisir de céder son droit au bail seul, c’est-à-dire vendre son droit à bénéficier d’un bail commercial en cours et de pouvoir ainsi y exercer une activité commerciale. Plus les conditions du bail commercial sont bonnes (faible loyer, faibles charges, durée du bail commercial à courir, destination…) et plus la valeur du droit au bail est élevée. 

Ces deux opérations sont conclues entre : 

  • Le cédant : locataire actuel du local commercial qui souhaite céder son droit au bail ou vendre son fonds de commerce. 

  • Le cessionnaire : nouvel acquéreur qui va être bénéficiaire de cette cession de droit au bail ou de la vente du fonds de commerce. 

  • Le bailleur : propriétaire des locaux commerciaux, il n’est pas partie aux cessions mais peut intervenir dans certains cas lorsque le bail comporte une clause prévoyant sa participation à l’acte. 

Vous l’aurez compris, vendre son droit au bail permet d’élargir le nombre de potentiels repreneurs en vendant à un repreneur n’exerçant pas la même activité que soi contrairement à la vente d’un fonds de commerce.

Quelles sont les principales différences entre la vente d’un droit au bail et celle d’un fonds de commerce ?

Une différence de prix significative

Pour pouvoir comparer cette différence de prix, prenons l’exemple de locaux commerciaux en tout point identiques (conditions locatives, durée du bail commercial, emplacement…). 

Comme nous l’avons vu précédemment, la vente d’un fonds de commerce permet de vendre l’activité telle qu'elle est à l’instant T avec un chiffre d’affaires déjà défini et donc une activité qui en cas de changement de propriétaire sera dans l’ensemble assurée. 

En l’absence de transformation du lieu (décoration, matériel…) par le nouveau preneur, ce changement ne sera peut-être même pas remarqué par les clients. La valeur du fonds de commerce sera donc forcément plus élevée que celle du droit au bail qui lui n'inclut pas cette reprise d’activité et donc cette sécurité. 

Pour définir un prix, il faudra étudier et prendre en compte les derniers bilans, généralement les 3 derniers. Un pourcentage du chiffre d’affaires permettra d’en estimer le prix (le pourcentage appliqué étant variable selon le secteur d’activité). Bien entendu, l’emplacement, les travaux, la valeur du loyer ainsi que d’autres critères  pourront faire varier ce pourcentage dans la fourchette haute ou basse. 

La valeur du droit au bail est quant à elle beaucoup plus délicate à estimer, elle dépend souvent de : la qualité de l’emplacement, la destination du bail commercial et de la tension locative dans le secteur. 

L’activité qui sera exercée ne sera pas la même dans la très grande majorité des cas, il n’y aura donc pas de critères objectifs sur lesquels s’appuyer pour en définir une valeur. La destination du bail, le montant du loyer et la durée du bail restant seront des éléments cruciaux pour en estimer sa valeur. 

Aucune règle de calcul préétablie n’est imposée. Bien souvent, le prix est défini en fonction de l’offre et de la demande.

L’obligation d’obtenir une autorisation du bailleur

La principale difficulté quand vous souhaitez acheter un droit au bail pour y exercer une nouvelle activité et y développer votre marque c’est de se mettre d’accord sur le prix avec le vendeur mais surtout d’avoir l’accord du propriétaire. Celui-ci peut s’il le souhaite et à condition qu’une clause le prévoit dans le bail s’opposer à la vente. 

Quel intérêt pour le bailleur ? Cela peut s’expliquer de plusieurs façons, le propriétaire ne souhaite peut-être pas voir certaines activités exercées dans son local. N’ayant pas confiance dans un secteur d’activité ou dans un concept, il peut envisager et redouter des difficultés qui empêcheraient son nouveau locataire de payer son loyer. 

Un changement de locataire peut également entraîner une chute de la valeur financière de son local. Imaginons que le locataire actuel soit une enseigne nationale et que celle-ci souhaite vendre à un jeune indépendant, le bailleur va chercher à se protéger par le biais de clauses qui encadrent la cession du droit au bail . 

La « qualité » et la solvabilité de ce nouveau locataire n’est pas la même et entraîne donc une baisse de la valeur financière du local en cas de revente rapide. De nombreuses possibilités existent mais au final, le bailleur peut s’opposer à la vente du droit au bail, sauf lorsque le vendeur part en retraite. Il peut tout aussi bien l’accepter et demander une indemnité de déspécialisation en contrepartie ou tout simplement ne rien demander et accepter la vente. Il est donc important de se rapprocher de son bailleur pour échanger avec lui et prendre la « température » en amont.

Le renouvellement du bail, un point essentiel

Lorsque vous arrivez en fin de bail commercial, vous bénéficiez d’un droit au renouvellement.

Si le bailleur ne souhaite pas renouveler le bail commercial, il sera alors contraint de vous verser une indemnité d’éviction. Pour pouvoir en bénéficier, il faut une exploitation effective de votre activité depuis au  moins 3 ans avant la date d’expiration ou de prolongation du bail. 

En d’autres termes, si vous achetez un droit au bail dans la dernière période triennale vous n’aurez pas droit à une indemnité d’éviction. Il est donc dangereux d’acheter un droit au bail qui a déjà plus de 6 ans. Pour éviter ce problème il sera toujours possible de négocier un bail neuf auprès du propriétaire. Cette négociation est susceptible d’entraîner une augmentation du loyer et/ou une indemnité de déspécialisation.

Cette problématique ne s’applique pas dans le cas de la cession d’un fonds de commerce. Le droit au renouvellement sera alors garanti.

L’essentiel des différences entre la cession d’un droit au bail et la vente d’un fonds de commerce

La cession du droit au bail et la vente du fonds de commerce différent sur plusieurs points : 

  • La valeur
  • L’autorisation du bailleur
  • Le renouvellement du bail

En l’absence d’une destination restrictive, vous pourrez avoir la chance de pouvoir exercer une activité différente ou complémentaire en vous affranchissant de l’autorisation du bailleur.  C’est généralement le cas avec les baux dit « tous commerces » ou avec une destination large comme « toutes activités de restauration autorisées ». 

Il sera ainsi possible de passer   ‘’ du sushi à la pizza ‘’  en passant par ‘’ le burger ‘’ sans demander l’autorisation à votre bailleur (à condition que le local s’y prête techniquement et que le règlement de copropriété ne s’y oppose pas).  Cependant, il est de plus en plus rare voir impossible de tomber sur de tels baux, les propriétaires encadrent et restreignent de plus en plus les clauses de destinations pour se protéger et maîtriser l’activité qui sera exercée dans leurs locaux commerciaux.

Il est donc primordial de déterminer l’activité à exercer pour rechercher un local adapté à votre projet. 

À noter : chef d’entreprise locataire de locaux commerciaux ou bailleur, vous avez le droit d’être conseillés par un avocat. Les avocats peuvent faire du conseil en répondant à vos interrogations relatives au droit immobilier et notamment aux baux commerciaux (renouvellement, résiliation, congé, paiement du loyer, location gérance,  ...) . Ils peuvent également rédiger des actes (contrat de location de locaux commerciaux, avenant au contrat, acte de cession, autres formalités …).  À côté de ces conseils juridiques, l’avocat peut également vous assister ou vous représenter en cas de contentieux devant les juridictions compétentes. L’accompagnement par un avocat confère une garantie au professionnel contre les risques liés à son entreprise.

Mise à jour le : 3 novembre 2020
Notez cet article
(12 notes)