La résiliation d'un bail commercial pour faute

Le bailleur peut décider de résilier le bail commercial en raison d’une faute du locataire. La procédure de résiliation du bail va dépendre de la présence ou non d’une clause résolutoire dans le bail commercial.
Estelle BOCCARA - Responsable du contenu juridique
Estelle BOCCARA
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Publié le :
5 novembre 2020
Temps de lecture :
7 min

La résiliation du bail commercial pour faute

Attention : La résiliation et la résolution sont à différencier. Utilisée à tort la résiliation ne concerne pas la fin du contrat résultant de la faute d’une partie.

Quelle est la différence entre résiliation et résolution ?

La résiliation : Une partie au contrat viole son obligation contractuelle. L’autre partie peut alors mettre fin au contrat pour l’avenir, aucune rétroactivité ne s’applique (ce qui a déjà été exécuté avant la la résiliation n’est pas remis en cause).

La résolution : Une partie au contrat souhaite également mettre fin au contrat mais ici la résolution va effacer rétroactivement les effets du contrat (exemple : pour un contrat de vente, la résolution ne va pas uniquement mettre fin à la vente, elle va permettre la restitution de la chose au propriétaire initial et une restitution du prix à l'acheteur).

Faute dans le bail commercial résolution ou résiliation ?

Le bail commercial est un contrat dit à ‘’ exécution successive ‘’ les obligations des parties sont donc échelonnées dans le temps (pour le bailleur mettre à disposition son local et pour le preneur payer le loyer). 

Les dispositions de l'article 1229 du Code civil prévoient que pour les contrats à ‘’ exécution successive ‘’ il s’agit d’une résiliation et non d’une résolution car les prestations ont déjà été exécutées. Elles ne peuvent pas être restituées car elles ont trouvé leur utilité au fur et à  mesure de l’exécution du contrat. 

La faute dans un bail commercial peut donc entraîner une résiliation.

En cas de faute de l’une des parties, le bail peut être résilié à l’initiative de l’une d’elles. Il y a alors trois hypothèses : 

  • La résolution avec une clause résolutoire : le bail commercial contient une clause qui permet la résolution de plein droit du bail en cas de manquement du locataire à une obligation fixée dans cette clause (exemple : résolution en cas de non paiement du loyer).
  • La résolution judiciaire : le bail contient ou non une clause résolutoire et l’une des parties décide de saisir le juge pour qu’il procède la résolution du bail pour faute. 
  • La résolution par notification : la bail est résolu unilatéralement par l’une des parties par notification.

La clause résolutoire

Le bail commercial peut comporter une clause prévoyant la résiliation de plein droit du bail en cas de manquement du locataire à certaines obligations. Pour pouvoir mettre en œuvre cette résiliation le bailleur doit respecter une certaine procédure.

Quelle est la procédure à mettre en œuvre pour le bailleur ?

La résiliation de plein droit du bail se déroule en plusieurs étapes conformément à l’article L. 145-41 du Code de commerce

  • Faute commise par le locataire : le bailleur constate la violation d’une obligation contractuelle prévue dans la clause résolutoire ( ex : le locataire ne paie pas le loyer et la clause résolutoire prévoit une résiliation de plein droit en cas de non paiement du loyer).

  • Commandement adressé au locataire : le commandement est un acte délivré par un Huissier de justice. Le bailleur adresse un commandement au locataire en stipulant IMPÉRATIVEMENT le délai pendant lequel le locataire devra exécuter son obligation contractuelle autrement dit corriger sa faute. En l’absence de délai le commandement ne produit pas d’effets. Le commandement doit également comporter la faute du locataire ainsi que la volonté du bailleur de mettre en œuvre cette clause pour obtenir la résiliation du bail.

  • La faute commise par le locataire perdure après le délai du commandement : le locataire ne corrige pas sa faute, la violation de son obligation contractuelle perdure après le délai fixé dans le commandement. Dans ce cas, le bail est résilié de plein droit en vertu de la clause résolutoire. 

  • Constat de la résiliation devant le juge : il reste au bailleur à faire constater cette résiliation devant le juge. Il devra saisir le juge du Tribunal Judiciaire (anciennement Tribunal de Grande Instance) pour faire constater cette résiliation. 

Quelles sont les recours possibles pour le locataire ? 

Après avoir reçu ce commandement deux hypothèses s’offrent au locataire : 

  • Le locataire exécute son obligation pendant le délai prévu dans le commandement : si le locataire exécute son obligation pendant ce délai, le bailleur ne pourra pas faire jouer la clause résolutoire. Il faut pour cela que le locataire commette une faute contractuelle prévue par la clause résolutoire et que cette faute perdure après le délai prévu au commandement.

Si le locataire exécute son obligation pendant le délai du commandement mais réitère cette violation quelques temps après, le bailleur devra à nouveau adresser un commandement au locataire. 

  • Le locataire n’exécute pas son obligation pendant le délai prévu dans le commandement : dans ce cas le locataire peut présenter une demande au juge pour obtenir des délais supplémentaires. Le juge saisi pourra alors accorder des délais supplémentaires et suspendre la résiliation du bail. 

En dehors de cette hypothèse, le bail peut être résilié judiciairement.

La résolution judiciaire

La résiliation du bail commercial peut être demandée en justice en toute hypothèse comme le prévoit l’article 1227 du Code civil. Cette hypothèse permet à l’une des parties de demander la résiliation du bail au juge même en l’absence de toute clause prévoyant cette résiliation.

Quelle est la procédure à mettre en œuvre pour obtenir la résolution judiciaire ?

Pour obtenir du juge la résiliation du bail la partie qui souhaite cette résiliation doit réunir plusieurs conditions :

  • Le constat d’une inexécution suffisamment grave : de la part du locataire ou du bailleur (par exemple : non paiement du loyer ou encore le défaut d’entretien des locaux). Le juge examinera le caractère suffisamment grave ou non de la faute de l’une des parties pour décider de prononcer la résiliation du bail. 

  • Le constat d’une inexécution suffisamment grave de la part de l’une des parties : l’inexécution ne doit pas résulter d’un événement de force majeure ni du fait d’un tiers. Le locataire ou le bailleur doit être à l’origine de cette inexécution. 

  • Demande de résolution du bail au juge compétent : le bailleur ou le locataire doivent saisir le juge du Tribunal Judiciaire pour lui demander de prononcer la résiliation du bail. 

La résiliation du bail peut également prendre la forme d’une notification.

La résolution unilatérale par notification

Une des parties au bail peut « à ses risques et périls » adresser une notification à l’autre partie pour obtenir la résiliation du bail conformément à l’article 1226 du Code civil.

Quelle est la procédure à mettre en œuvre pour obtenir la résiliation unilatérale par notification ?

Le bailleur ou le locataire qui souhaite procéder à ce type de résiliation doit réunir les mêmes conditions que pour la résiliation judiciaire avec des conditions de forme supplémentaires :

  • Le constat d’une inexécution suffisamment grave : de la part du locataire ou du bailleur (par exemple : non paiement du loyer ou encore le défaut d’entretien des locaux).

  • Le constat d’une inexécution suffisamment grave de la part de l’une des parties : l’inexécution ne doit pas résulter d’un événement de force majeure ni du fait d’un tiers. Le locataire ou le bailleur doivent être à l’origine de cette inexécution. 

  • Mise en demeure avant toute notification : la partie qui est à l’origine de cette procédure doit mettre en demeure l’autre d’exécuter son obligation contractuelle ou de corriger sa faute dans un délai raisonnable. L’urgence peut justifier parfois le fait de ne pas envoyer au préalable cette mise en demeure. Elle doit mentionner IMPÉRATIVEMENT qu’à défaut d’exécution de l’obligation par la partie débitrice, le créancier se réservera le droit de résoudre seul le bail. 

  • Faute commise par le débiteur perdure après mise en demeure : le débiteur ne s’exécute pas malgré la mise en demeure. Le délai fixé dans la mise en demeure est passé et le débiteur n’a toujours pas respecté son obligation ou n’a pas corrigé sa faute. 

  • Notification adressée au débiteur : la notification doit préciser les raisons de la résiliation du bail. 

Attention : Cette procédure est risquée, le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour la contester et demander des dommages et intérêts. 

Quelles sont les conséquences de la résiliation du bail commercial ?

Qu’il s’agisse d’une résiliation par clause résolutoire, par notification ou judiciaire, le juge peut prendre plusieurs décisions après avoir été saisi d’une demande de résiliation du bail en vertu de l’article 1228 du Code civil. Il peut : 

  • Accorder des délais : au débiteur, autrement à celui qui est redevable de l’obligation contractuelle. 


  • Prononcer ou constater la résolution judiciaire avec ou sans dommages et intérêts : les dommages et intérêts sont calculés en fonction du préjudice subi par le bailleur ou le locataire. 


  • Accorder seulement des dommages et intérêts : sans prononcer toutefois la résiliation du bail. 


  • Ordonner l’exécution du contrat : le juge force la partie qui ne respecte pas son obligation à s’exécuter.
Infographie sur la résiliation du bail commercial pour faute

L’essentiel à retenir de la résiliation du bail commercial pour faute

Le bail commercial peut être résilié par le bailleur ou le locataire dans trois cas : 

  • Par l’effet d’une clause résolutoire : c’est la procédure la plus rapide et la plus efficace. 
  • Par l’effet de la résolution judiciaire : c’est une procédure plus longue et plus coûteuse. 
  • Par l’effet d’une notification unilatérale : c’est une procédure risquée où le débiteur peut se retourner contre le créancier en contestant la notification et en demandant des dommages et intérêts. 

Dans le cas du bail commercial la résolution laisse place à la résiliation qui permet de ne pas attribuer de restitutions pour toute la période passée.

Mise à jour le : 5 novembre 2020
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