La révision du loyer dans le cadre d'un local commercial

Le loyer d’un bail commercial est fixé au moment des négociations entre les parties. Il peut, en cours d’exécution être révisé à l’initiative de l’une des parties au contrat.
Estelle BOCCARA - Responsable du contenu juridique
Estelle BOCCARA
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Publié le :
14 octobre 2020
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9 min

La révision du loyer commercial

Le loyer peut-il évoluer et être révisé ? La réponse est OUI mais rassurez-vous cette révision est strictement encadrée. Cette évolution peut intervenir aussi bien durant le bail ou lors du renouvellement de votre contrat de location.

La révision du loyer d’un bail commercial est un point primordial aussi bien pour le propriétaire que pour le preneur. Ce changement vient modifier en cours de route une valeur essentielle fixée et déterminée lors de la conclusion du bail, le prix du loyer. Il est cependant important de rappeler que le loyer est fixé librement à la conclusion du bail et fait bien souvent l’objet d’âpres négociations entre le bailleur et le futur preneur.

Plusieurs possibilités pour la révision du loyer en cours de bail

L’application d’un indice lors de la révision triennale

Avant tout, il est important de noter que pour utiliser la révision triennale il n’est pas nécessaire  de l’avoir prévu dans le bail. Il s’agit en effet d’une disposition prévue à l’article L. 145-38 du Code de commerce. Cet article détaille les modalités d’application de la révision des trois ans. 

Attention, cette révision n’est pas automatique, elle doit être demandée par le propriétaire ou le preneur pour être appliquée. Quelques règles s’appliquent cependant pour pouvoir obtenir cette indexation du loyer  : 

  • Il faut impérativement que 3 années se soient écoulées, à partir de la date d’entrée dans les lieux du preneur, depuis la précédente révision ou encore à compter du renouvellement du précédent bail.

  • La demande doit être faite au propriétaire ou au locataire par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ou par acte d’huissier. Elle doit indiquer le montant du loyer demandé (à la hausse ou à la baisse). La demande de révision est nulle si elle est faite avant l’expiration de la période triennale.

Deux indices de référence se distinguent :

  • ILC, l'indice trimestriel des loyers commerciaux qui s’applique pour les professions artisanales et/ou commerciales.

  • ILAT, l'indice des loyers des activités tertiaires qui s’applique pour le secteur tertiaire (exemple : professions libérales).

L’ICC (indice du coût de la construction) qui était appliqué jusqu’alors n’est plus applicable pour les baux commerciaux conclus ou renouvelés à partir du 1er septembre 2014.

Attention : Concernant le montant de l’élévation ou la baisse du loyer, il est encadré et plafonné par la loi et est soumis à l’indice trimestriel de référence. Il est également important de noter que pour les baux commerciaux conclus et renouvelés depuis le 1er septembre 2014, cette élévation ne peut excéder 10% du loyer de l’année précédente.

Quelle formule pour déterminer le nouveau loyer ?

Il existe une formule simple qui permet de calculer le nouveau loyer. Cette formule dépend des indices mis en en place lors de la fixation initiale et de la date de révision du loyer.

Infographie sur la formule pour réviser le loyer

Pour les révisions suivantes, il suffira de remplacer « l’indice de référence lors de la fixation initiale du loyer » par l’indice de référence utilisé lors de la précédente révision.

Exemple de révision pour un bail signé le 1 Janvier 2016 et utilisant l’ILC pour un loyer de 3 000 euros :

1ère révision triennale applicable au 2 janvier 2019 :

L’indice ILC au 1er janvier 2016 était de : 108,40 et au 1er trimestre 2019 de 114,64 le calcul est donc le suivant :

3000 € x (114,64/108,40) =  3172,69 €

Concernant le prochain renouvellement il suffira d’effectuer la même opération en changeant les valeurs appropriées. À noter que l’indice est publié par l’INSEE.

Voici les derniers indices connus pour l'ILC:

AnnéeTrimestreValeurParution au J.O
2020T2115,4226/09/2020
2020T1116,2301/07/2020
2019T4116,1621/03/2020
2019T3115,6021/12/2019
2019T2115,2121/09/2019
2019T1114,6422/06/2019
2018T4114,0623/03/2019
2018T3113,4520/12/2018
2018T2112,5920/09/2018
2018T1111,8727/06/2018
2017T4111,3322/03/2018
2017T3110,7820/12/2017
2017T2110,0020/09/2017
2017T1109,4621/06/2017
2016T4108,9122/03/2017
2016T3108,5621/12/2016
2016T2108,4021/09/2016

Changement de facteurs locaux de commercialité

Si un changement majeur entraîne un changement de la valeur locative du local, le propriétaire peut et en le justifiant augmenter le loyer en conséquence. Un changement de facteur peut être lié à plusieurs évènements comme la construction d’une bouche de métro à proximité immédiate du local ou encore l’implantation d’un Centre commercial. Cela implique nécessairement une variation du trafic et donc une variation de la valeur locative du local, autrement dit un changement du prix du loyer. Le changement permet un déplafonnement du loyer.

La révision contractuelle via la clause d’échelle mobile

À la différence de la révision des trois ans, cette clause d’échelle mobile permet en fonction de l’indice choisi de réviser annuellement le loyer. L’indice choisi est libre mais doit être en lien avec l’exercice (ICC, ILAT, ILC…). Il doit être expressément écrit dans le bail. Il est également interdit au bailleur d’empêcher la baisse du loyer si l’indice venait à baisser. 

Lorsqu’une telle clause est prévue dans le bail, les règles précédentes concernant la révision des trois ans ne s’appliquent pas pour laisser place aux règles prévues par la clause. La périodicité est fixée dans le bail librement mais il s’agit en pratique d’une périodicité annuelle. Les parties peuvent ainsi librement prévoir dans le contrat que le loyer varie en fonction d’une indexation choisie.

Demander un nouveau loyer lors d’une cession de droit au bail

Lorsque le preneur souhaite céder son droit au bail il peut le faire librement sans l’accord du bailleur. Le bail peut toutefois comporter une clause restreignant cette liberté imposant au preneur l’accord du propriétaire (exemple : clause d’agrément). Lorsque le locataire cède son droit au bail sans céder son fonds de commerce, l’accord du propriétaire est dans ce cas obligatoire. 

Le nouveau locataire pourra s’il le souhaite demander au bailleur un nouveau bail lui garantissant un plafonnement du loyer sur les 9 prochaines années. Une négociation commencera alors entre le futur preneur et le propriétaire, ce dernier peut accepter ou refuser. 

Si le nouveau preneur n’exerce pas totalement ou n’exerce que partiellement la même profession que l’ancien locataire il sera alors obligé de demander au propriétaire une déspécialisation partielle ou totale. 

Pour ce changement et cet avantage le propriétaire peut en profiter pour revoir le loyer ou demander une indemnité de déspécialisation.

Une déspécialisation totale ou partielle peut entraîner une modification de loyer

Un preneur en place peut s’il le souhaite et si sa profession l’exige, faire évoluer son offre par le biais d’une déspécialisation partielle ou totale

  • En cas de déspécialisation partielle : c’est-à-dire lorsque le locataire met en place une activité annexe à celle prévue dans le bail (exemple : Un salon de coiffure pour hommes est considéré par les juges du fond comme annexe à un salon de coiffure pour dames : Paris, 27 févr. 2013). Elle est prévue à l’article L. 145-47 du Code de commerce. Cet article impose au preneur de faire connaître au bailleur sa volonté de mettre en place une activité connexe par acte d’huissier ou pas lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR). À compter de cette formalité, le propriétaire dispose d’un délai de 2 mois pour la contester. L’absence de réponse du propriétaire dans ce délai de 2 mois vaut acceptation.


  • En cas de déspécialisation totale : c’est à dire lorsque le preneur à bail exerce une activité totalement différente de celle prévue dans le bail (exemple : La vente d’accessoires et objets à la place de toilettage d'animaux de compagnie prévue initialement par le bail (Civ. 3e, 4 mars 1992 no 90-20.323). L’article L. 145-49 du Code de commerce prévoit que la demande peut être faite par tout preneur sauf exception pour le preneur d’un local compris dans une unité commerciale dans le cadre d’un programme de construction. Cette exception empêche à ce dernier preneur de procéder à une telle déspécialisation dans un délai de 9 ans à compter de la date de mise en oeuvre du bail. Pour tous les autres preneurs, la procédure est la suivante : ils doivent adresser leur demande au propriétaire par acte extrajudiciaire (c’est à dire un acte établi par un officier ministériel généralement un huissier de justice) ou par lettre recommandée avec avis de réception. La demande doit préciser à peine de nullité les activités envisagées par le preneur. Les créanciers inscrits sur le fonds de commerce sont également informés de cette demande à l’issue de la même procédure. Le propriétaire informe les locataires envers lesquels il s’est engagé à ne pas louer pour une activité similaire à celle prévue dans la demande. Le bailleur dispose d’un délai de 3 mois pour refuser la demande à défaut, son absence de réponse sera considérée comme une acceptation.

Qu’il s’agisse d’une déspécialisation partielle ou totale, le preneur devra donc demander l’accord à son nouveau propriétaire qui pourra s’il le souhaite demander un changement de loyer pour compenser cet accord. L’élévation du loyer s’il y en a une, est purement contractuelle et dépendra de la négociation entre le propriétaire et le preneur.

Renouvellement du bail et augmentation du loyer

Lorsque la location arrive à son terme, soit généralement au bout de 9 ans, le preneur et le propriétaire ont le droit de renouveler ou non le bail. Il pourra alors entraîner une variation du loyer. Dans cette situation : 

  • Le bailleur doit donner congé à son locataire 6 mois avant la fin du bail, il peut alors lui proposer de renouveler le bail avec un nouveau loyer. Le preneur a le droit de refuser ce nouveau loyer, mais peut s’il souhaite renouveler quand même son bail. Il faudra alors faire appel à la commission départementale de conciliation (organe chargé de régler les conflits entre propriétaires et locataires) et à défaut d’accord, au juge.

À noter que si le locataire ne répond pas, son silence vaut acceptation. Il est donc très important de répondre.

  • Le locataire peut demander à son bailleur de renouveler le bail en indiquant un nouveau loyer, à la baisse comme à la hausse. Le propriétaire peut accepter ou refuser. S’il refuse il devra alors dédommager son preneur en lui versant une indemnité d’éviction. Cette indemnité sera négociée entre les parties, mais bien souvent les négociations n’aboutissent pas. Il faudra alors s’en remettre à l’appréciation du juge.

Lorsque propriétaire et preneur tombent d’accord pour renouveler le bail avec un changement du loyer, il est important de noter que l’augmentation se fera toujours dans les mêmes conditions que celles prévues pour une augmentation durant le bail, soit une élévation maximum de 10% par an.

Infographie sur la procédure de révision du loyer

L’exception des 12 ans

Il s’agit du cas dans lequel le bail n’a pas été officiellement renouvelé au bout des 9 ans. Celui-ci est renouvelé par tacite prolongation pour une durée de 3 ans, on parle alors de prolongation tacite. 

Cet oubli aura des répercussions importantes pour le preneur puisque l’article L 145-34 du Code de commerce qui encadre le plafonnement des loyers ne s’applique pas pour les baux commerciaux excédant 12 années.

Le propriétaire pourra à partir de la 13ème année déplafonner le loyer et le fixer librement. Le propriétaire s’il le souhaite, pourra adresser à son preneur un nouveau loyer à ce moment-là. Celui-ci peut le refuser, il reviendra au Tribunal judiciaire de fixer le montant du loyer mais à sa valeur réelle. Le preneur perdra donc son droit à un loyer plafonné et à l’échelonnement. 

Il est donc très important pour le locataire de penser à demander de renouveler s’il le souhaite à son propriétaire.

L’essentiel à retenir de la révision du loyer dans un bail commercial

La révision du loyer dans un bail commercial est heureusement pour le preneur bien encadrée. La révision du loyer peut intervenir :

  • Par l’effet de la loi : à l’issue de trois ans par application d’un indice, à l’issue d’un changement de facteurs locaux de commercialité, à l’occasion d’une demande de déspécialisation ou encore au moment du renouvellement ou prolongation du bail.

  • Par l’effet du bail : par le jeu d’une clause d’indexation. 

L’ordonnance du 10 février 2016 est venue mettre fin au refus de la révision de la convention pour imprévision. Depuis l’arrêt Civ, 6 mars 1876 (célèbre affaire du Canal de Craponne) les juges refusaient jusqu’alors de réviser la convention en raison de changements de circonstances imprévisibles. Depuis cette ordonnance, L’article 1195 du Code civil permet au juge de s'immiscer dans le contrat et de l’adapter à défaut d’accord des parties. Le juge peut désormais réviser le contrat en cas d’échec des négociations entre les parties lorsqu’un changement de circonstances imprévisibles au moment de la conclusion du bail apparaît.  

La crise sanitaire liée à l’épidémie du Coronavirus pourrait éventuellement amener les preneurs à demander au juge la révision de la convention dans ce cadre-là. 

Remarque : Vous avez la possibilité de faire appel à un avocat pour vous accompagner et vous conseiller quant à la variation des loyers commerciaux. Votre Conseil pourra vous informer sur le montant de la valeur locative des locaux commerciaux. Selon la date, le trimestre et l’année, selon que le bailleur révise ou non le bail conformément à une clause d’indexation, le prix du local peut varier. Votre avocat pourra vous informer quant à l’éventuel déplafonnement du loyer. 

Un véritablement accompagnement juridique devient nécessaire pour anticiper la variation des prix et le coût total d’une location commerciale.

Mise à jour le : 14 octobre 2020
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