Droit de préemption du locataire :  Comment délivrer un congé pour vente ?

Lorsqu’un bailleur souhaite vendre son bien à la fin du bail en cours, il est dans l’obligation de purger le droit de préemption du locataire. Un congé pour vente devra être envoyé 6 mois avant le terme du bail.
Sophie NOARO - Responsable du contenu
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Publié le :
10 janvier 2022
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9 min

Délivrer un congé au locataire pour vendre son bien

Lors de la vente d’un logement occupé, le locataire est prioritaire dans certains cas. En effet, le propriétaire bailleur doit informer le locataire, le conjoint, ou son partenaire de pacs afin qu’ils puissent exercer leur droit de préemption. Dans le cas d’une colocation, le congé doit être délivré à chaque locataire. 

Le locataire est prioritaire dès lors que le propriétaire souhaite vendre le logement inoccupé. Toutefois il existe d’autres situations où le locataire peut faire jouer son droit de préemption.

Ainsi, on peut se demander comment donner un congé pour vente ? Quels sont les différents droits de préemption et les formalités à respecter ?

Droit de préemption du locataire : Conditions et exceptions !

Les lois du 31 décembre 1975 et du 6 juillet 1989 ont institué le droit de préemption en vue de protéger le droit des locataires tout en préservant la liberté du propriétaire à vendre son bien libre de tout occupation.

Ainsi, les locataires concernés sont les titulaires d’un bail d’habitation à usage de résidence principale ou à usage mixte (résidence principale et professionnel).

De fait, sont exclues du champ d’application, les locations suivantes :

Dans quel cas le locataire n’est pas prioritaire ?

En effet, ils existent des exceptions au droit de préemption du locataire, à savoir :

  • En cas de vente du bien occupé ;
  • L’opération ne constitue pas une vente comme l’apport de l’immeuble dans une société civile type SCI 
  • Lorsque la vente est réalisée entre parents jusqu’au 3éme degré inclus, excluant les parents par alliance et les associés de SCI. Toutefois, l’acquéreur doit occuper le logement pendant minimum deux ans.
  • Lorsque les logements sont insalubres ou frappés par un arrêté de péril.

Quels sont les bénéficiaires du droit de préemption ?

Dans le cas d’un congé pour vente, le titulaire du droit de préemption est bien évidemment le locataire en titre, son conjoint ou partenaire de pacs. En cas de plusieurs signataires du bail d’habitation, chaque occupant peut préempter le bien. Le congé devra donc être délivré à chaque titulaire du bail sous peine de nullité. 

Selon l’article 14 de la loi 89-462 du 6-7-1989, lorsque le locataire décède ou s’il y a abandon du logement, le droit de préemption revient à son conjoint, ses descendants, ses ascendants, concubin ou personne à charge qui vivaient avec lui depuis au moins un an. Toutefois, il faut que la personne puisse justifier qu’elle occupait bien les lieux.

En revanche, si le propriétaire n’a pas été informé du mariage ou du pacs du locataire, et que le congé a été délivré, il est pleinement opposable au conjoint.

Quelles sont les formalités d’un congé pour vente ?

Le bailleur doit respecter un délai et un formalisme précis, au risque de voir le congé frappé de nullité.  Ainsi un congé pour vente doit être impérativement notifié au titulaire du droit de préemption par lettre recommandée avec AR ou par huissier minimum 6 mois avant le terme du bail. Dans le cas de plusieurs baux, une notification doit être envoyée pour chaque lot sauf s’il est démontré que les lots sont indivisibles.

Bon à savoir : Le congé doit être délivré par les deux conjoints si le bien est détenu en commun. De même en démembrement de propriété, usufruitier et nu-propriétaire doivent le délivrer conjointement. Pour la vente d’un bien est en indivision, l’identité de chaque indivisaire doit être mentionnée.

Par ailleurs, le congé doit mentionner obligatoirement les éléments suivants :

À noter : Attention, pour les locataires de plus de 65 ans qui disposent de faibles revenus, un congé pour vente ne peut être délivré que sous conditions (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15, III). 

De plus, si le bailleur fait appel à un agent immobilier, le locataire n’est pas redevable de sa commission. En effet, il n’a pas bénéficié de prestations de sa part.

Le congé vaut offre de vente à compter de sa réception. Le locataire aura deux mois pour faire connaître sa décision. En revanche, le bailleur ne peut ni modifier l’offre ni se rétracter.

Le locataire accepte l’offre de vente.

L’offre d’achat doit être acceptée aux prix et conditions proposés. Si le locataire souhaite recourir à un prêt, il doit le signaler dans sa lettre d’acceptation. La vente sera donc soumise à la condition suspensive d’obtention du prêt.

L’acceptation de l’offre peut être envoyée en LR/AR, par voie d’huissier ou simplement remise en main propre contre signature. Elle a pour effet de proroger le contrat de location jusqu’à la réalisation de la vente. En général, le délai est de 2 mois ou 4 mois si le locataire a l’intention de recourir à un prêt.

En revanche, à défaut de réalisation de la vente dans le délai imparti, l’acceptation devient nulle et le locataire doit quitter le logement au terme du bail. Toutefois, le bailleur ne pourra pas se prévaloir de la nullité de l’offre d’achat s’il est responsable de la non-réalisation de la vente dans les délais.

Le locataire refuse l’offre d’achat

Le refus de l’offre peut-être exprès ou tacite. Le silence vaut refus d’acquérir le bien aux conditions proposées. Dans ce cas, le locataire ne peut plus se porter acquéreur et est déchu de son titre à l’expiration du bail. Toutefois, il peut quitter le logement à tout moment sans être obligé de donner un préavis. 

Le bailleur se retrouve alors libre de vendre à l’acquéreur de son choix. 

Cependant, si le bien est vendu à un prix différent, le locataire dispose d’un deuxième droit de préemption. Dans ce cas, une notification est adressée au locataire à sa nouvelle adresse où à défaut à l’adresse du logement qu’il louait. Elle doit préciser le nouveau prix et les conditions de vente. Cette deuxième offre est valable un mois à compter de sa réception.

À noter : Le bailleur peut finalement décider de remettre en location le bien. Attention, cependant, même si aucun délai n’est précisé dans la loi, le locataire qui s’estime victime d’un congé frauduleux peut saisir le juge.

Dans le cas où l’irrégularité du congé est prouvée, le bailleur encourt des sanctions civiles et peut-être puni d'une amende pénale maximale de 6 000 € pour une personne physique et de 30 000 € pour une personne morale.

Quels sont les autres droits de préemption du locataire ?

Les locataires bénéficient également d’un droit de préemption dans les cas suivants :  

  • En cas de vente du logement après division de l'immeuble par lots. Même s'il ne préempte pas, le locataire conserve son titre locatif ;
  • En cas de vente en bloc d'un immeuble de plus de 5 logements, c’est-à-dire en une seule fois. 
  • En cas de vente en bloc de 10 logements ou plus.

À noter : Le formalisme de l’offre de vente est identique à celle d’un congé pour vente d’un logement vide, tout comme les exceptions au droit de préemption du locataire. 

La vente du logement loué après division de l’immeuble.

Le locataire dispose d’un droit de préemption lorsque la vente de son logement est consécutive à une division ou subdivision de tout ou partie de l’immeuble par lots.

La division de l’immeuble consiste pour le propriétaire d’un immeuble à le diviser dans sa totalité en plusieurs appartements. Un bâtiment est divisé dès lors qu’un état descriptif de division est établi.

À noter : Ce droit de préemption est valable uniquement lors de la première vente suivant la division de l’immeuble.

Ainsi le bailleur qui souhaite vendre, doit en informer le locataire par LR/AR ou par voie d’huissier, indiquant le prix et les conditions de vente. Le locataire a deux mois pour donner sa réponse. Toutefois, en cas de refus, il peut rester dans le logement.

Tout comme le congé pour vente, le locataire doit recevoir une autre offre d’achat si le propriétaire a baissé son prix de vente.

La priorité du locataire en cas de vente en bloc de l’immeuble

Lorsqu’un propriétaire souhaite vendre un immeuble de plus de 5 logements dans sa totalité et en une seule fois, le locataire est prioritaire sauf si l’acquéreur proroge les baux. En d’autres termes, ils s’engagent à renouveler les baux pour au moins une période de 6 ans à la signature de l’acte authentique. L’engagement doit être indiqué dans l’acte avec la liste des locataires concernés. 

Lorsque l’acquéreur potentiel ne souhaite pas proroger les baux, le bailleur doit avant la réalisation de la vente, sous peine de nullité, faire connaître à chaque locataire : 

  • Le prix et les conditions de la vente de l'immeuble dans sa totalité et en une seule fois ;
  • Le prix et les conditions de vente pour le local qu'il occupe.

Cette notification, valant offre d’achat doit être envoyée en recommandée ou par voie d’huissier. Elle doit être notamment accompagnée d’un projet de règlement de copropriété et du diagnostic technique de l’immeuble.

L’offre vaut uniquement pour le bien occupé par le locataire, et est valable 4 mois à compter de sa réception.  Ainsi, en cas d’acceptation de l’offre, la vente doit être réalisée dans les 2 mois ou 4 mois si le locataire à l’intention d’avoir recours à un prêt. 

En cas de refus, il devra quitter le logement au terme du bail. 

Par ailleurs, le locataire bénéficiera d’un deuxième droit de préemption si l’immeuble fait l’objet d’une mise en copropriété à la suite de la vente d’un logement à un locataire et si les lots sont proposés à des prix inférieurs à un tiers. 

Vente à la découpe d’un immeuble : Comment sont protégés les locataires ?

Une vente à la découpe c’est lorsque le propriétaire d’un immeuble souhaite le vendre appartement par appartement. En général, il vend l’immeuble en bloc à un investisseur qui lui divise l’immeuble en lots afin de les vendre individuellement. 

Ainsi, pour protéger les locataires, des accords collectifs en date du 9 juin 1998 et du 16 mars 2005 ont instauré une procédure stricte axée sur l’information et la protection des locataires en place. Notamment dans le cas où les ventes portent sur plus de 10 logements dans un même immeuble d’habitation appartenant à une personne morale à l’exception des SCI Familiales ou des organismes HLM.

Le bailleur doit d’abord informer les locataires de son intention de vendre l’immeuble, il doit pour cela :

  • Convoquer en recommandé les locataires et leurs éventuelles associations à une réunion d’informations préalables sur les conditions de l’opération, et les droits des locataires
  • Une information écrite à chaque locataire indiquant les modalités de la vente de leur bien.

Le propriétaire bailleur devra attendre trois mois avant d’envoyer l’offre de vente officielle, qui devra être accompagnée de l’état descriptif de l’immeuble ainsi que les diagnostics techniques immobiliers

Entre autres, le bailleur devra purger deux droits de préemption successifs. En effet, celui du locataire en cas de vente de logement après division de l’immeuble et celui du locataire en cas de congé pour vente. 

Par ailleurs, pour faciliter la réalisation de la vente ou les conditions de départ, le locataire peut demander une prorogation de son droit d’occupation. Notamment, lorsque la durée du bail restant à courir est inférieure à 30 mois à compter de la date de l’offre. Cependant, le locataire devra justifier auprès du bailleur les raisons de sa demande. Le propriétaire devra confirmer son accord par écrit au plus tard 4 mois avant la fin du bail.

À noter : Le locataire qui ne peut pas acheter son appartement peut proposer comme acquéreur son conjoint, concubin, ascendant ou descendant vivant avec lui depuis au moins un an.

Pour finir, certains locataires sont protégés lorsqu’ils ne peuvent pas acheter, comme :

  • Les locataires justifiant d’un revenu inférieur à 80% du plafond de ressources des logements intermédiaires (PLI). Dans ce cas, une proposition de relogement doit être jointe au congé.
  •  Les locataires qui ne peuvent pas déménager en raison de leur âge (plus de 70 ans, état de santé, handicap…). Le bail doit être renouvelé. 

Ainsi, lors d’une vente à la découpe d’un immeuble, il convient d’être attentif aux formalités sous peine de nullité. 

Droit de préemption du locataire : Attention aux sanctions !

Un congé pour vente doit être rédigé en respectant les conditions de formes énumérées par la loi. À défaut, il sera considéré comme nul et le bail sera alors reconduit tacitement. C’est pourquoi il convient de privilégier la délivrance du congé par voie d’huissier afin que le droit de préemption du locataire soit purgé sans risque de pouvoir être contesté.

Mise à jour le : 10 janvier 2022
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