L'article 606 du Code civil dans un bail commercial

L’article 606 du Code civil permet de dresser la liste des dépenses qui incombent au bailleur. Il est important pour les parties de connaître les réparations qui leur incombent afin d’anticiper leur prise en charge et éviter les conflits.
Estelle BOCCARA - Responsable du contenu juridique
Estelle BOCCARA
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Publié le :
2 novembre 2020
Temps de lecture :
6 min

L'article 606 du Code civil

Dans le cadre d’un bail commercial, la charge des travaux est souvent source de conflit entre le bailleur et le locataire. De ce fait, il est important de se prémunir et de lister les droits et les devoirs de chacun avant la signature d’un bail commercial. 

Il est d’usage que les bailleurs essaient de s’exonérer des travaux quelle que soit leur nature, en remettant cette charge aux locataires. Toutefois, il existe des moyens de protéger ces abus comme l’article 606 du Code civil et notamment la Loi Pinel qui à partir de 2014 va réguler les baux commerciaux. 

Définition de l’article 606 du Code civil

L’article 606 du Code civil prévoit que : 

« Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien. ». 

Cet article résume les obligations du bailleur qui doit prendre en charge et assurer la structure physique du bâtiment loué.

Un bailleur doit fournir le clos et le couvert à ses locataires et ses structures doivent être aux normes, notamment le réseau électrique. Un état des lieux au démarrage du bail commercial est primordial afin que les 2 signataires puissent se prémunir des devoirs de chacun en cas de litige. 

L’article 606 reste assez restrictif et ne répond pas à toutes les natures de travaux possibles. La jurisprudence en la matière est venue interpréter les différents types de travaux pour compléter cet article. La jurisprudence va se baser sur l'article R.111-27 du Code de la Construction et de l’habitation pour définir cette notion de gros œuvre. 

La Cour de cassation considère par exemple comme des travaux de gros oeuvre à la charge du bailleur : 

  • La réfection de zinguerie : arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 2 février 1995 (civ 1, 2 février 1995). 

  • La réfection des souches de cheminées : arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 15 mars 1961 (civ 1, 15 mars 1961).

La mise aux normes électriques constitue également une dépense à la charge du bailleur. La mise en état relative à l’électricité est obligatoire pour le bailleur sous peine de sanctions.

Qu’est ce qui peut être transféré au locataire ?

Le locataire est tenu aux petites réparations d’entretien. Il peut s’agir notamment du remplacement des ampoules, de la plomberie ou encore de la climatisation de l’immeuble comme nous le rappelle un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Civ 3, 10 février 1999).

Toute grosse réparation découlant d’un mauvais entretien des locaux loués peut être répercutée au locataire. En effet, ce dernier a le devoir d’entretenir les lieux et à défaut, pourra subir directement la charge de telles réparations. Le bailleur pouvait jusqu’au 3 novembre 2014 insérer dans le bail commercial une clause prévoyant de faire supporter à son locataire la charge des grosses réparations. Cette clause devait être claire, précise et non équivoque. Il n’est désormais tenu qu’aux ‘’ petites réparations ‘’ dites d’entretien.

Enfin, le locataire est également responsable s’il entreprend des travaux qui engendrent des grosses réparations sans en avoir averti le propriétaire. Le locataire doit idéalement, obtenir l’autorisation écrite du propriétaire pour tous travaux touchant la structure du bâtiment. Le cas échéant, il sera aisé pour lui de faire supporter la responsabilité à son locataire en cas de difficultés consécutives à ces travaux.

Les conséquences de la loi Pinel de 2014

Jusqu’au 3 novembre 2014, le bailleur pouvait faire supporter à son locataire la charge des grosses réparations. 

La Loi Pinel du 18 juin 2014 complétée par le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 vont mettre fin à cette pratique.

Le bailleur devra désormais subir les travaux liés à l’article 606 du Code Civil qu’ils soient prévus ou non, dans le bail commercial. Il sera tenu à l’exécution des gros travaux et des honoraires allouées et, il lui sera interdit toute tentative de répercussion auprès du locataire. Le bailleur aura désormais l’obligation de supporter une grosse réparation prévue à l’article 606 du Code civil.

L'article R. 145-35 du Code de commerce issu du décret du 4 novembre 2014 prévoit désormais que ne peuvent être imputées au locataire : 

  • Les grosses réparations issues de l’article 606 du Code civil (exemple : ravalement de façade). 

  • Les dépenses liées à la vétusté : il s’agit de la vétusté liée aux grosses réparations (exemple : ravalement de façade). La vétusté liée au manque d’entretien du local reste à la charge du locataire (le bailleur devra procéder à un état des travaux).

  • Les impôts, taxes et redevances dont le bailleur est redevable. 

  • Les honoraires liées à la gestion du local. 

  • Le coût des locaux vacants ou liés aux autres locataires.

Désormais le bailleur ne pourra plus s’exonérer des grosses réparations tirées de l’article 606 du Code civil en les déléguant à son locataire, ce droit ne peut être retiré au preneur. Ces dispositions sont d’ordre public. Cette réforme s’est voulue plus protectrice à l'égard des locataires leur permettant d’échapper à des dépenses supplémentaires qui pouvaient s’avérer très importantes.

L’exception : la résidence senior, résidence étudiante et résidence de tourisme

À noter : dans le cadre de l’achat d’une résidence étudiante, de tourisme ou une résidence Ehpad, les grosses réparations, la répartition des réparations n’est pas la même. Le propriétaire peut ne pas être tenu aux grosses réparations de l’article 606 du Code civil. C’est l’exploitant de la résidence qui pourra supporter ce type de réparations. L’investissement dans ce type de résidence peut pour ces raisons représenter un certain avantage. Qu’il s’agisse d’une résidence senior, résidence de tourisme ou résidence étudiante il faudra penser à vérifier que le contrat d’exploitation comporte une clause prévoyant l’imputation de ces charges à l’exploitant pour vous assurer la pérennité de votre investissement. 

Remarque : Que vous soyez en charge d’une entreprise qui exploite une activité commerciale ou un bailleur, vous avez le droit de faire appel à un avocat pour vous accompagner dans toutes vos démarches relatives à votre contrat de location commerciale. Cet accompagnement vous permettra d’obtenir un véritable conseil personnalisé et des informations sur l’état du droit applicable en matière d’immobilier commercial. L’avocat permettra d’optimiser votre situation en vous conseillant sur les meilleures stratégies à adopter en tant que bailleur ou locataire.  En tant que preneur l’avocat pourra vous aider dans la recherche d’un local commercial mais également dans la rédaction du bail. En cas de conflit avec le bailleur il pourra également vous conseiller sur les actions à mener en matière de droit immobilier. 

Il pourra notamment participer à la rédaction de votre contrat de location mais également être présent en cas de conflit. Il pourra vous assister ou vous représenter selon les contentieux devant le tribunal compétent ou la Cour compétente. Les baux commerciaux nécessitent de plus en plus un accompagnement juridique dans la mesure où la législation applicable se complexifie.

Ce qu’il faut retenir de l’article 606 du Code civil

Le bail commercial est soumis au statut des baux commerciaux des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce qui encadre les relations entre bailleur et locataire tout en laissant une certaine marge de manœuvre aux parties. 

D’autres dispositions prévues dans le Code civil viennent encadrer cette relation notamment en matière de charge des réparations dans le bail commercial. Par principe, le bailleur est tenu aux grosses réparations définies à l’article 606 du Code civil (exemple : ravalement de façade). 

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Pinel, certaines réparations ne peuvent plus être imputées au locataire. Le locataire reste quant à lui toujours soumis aux réparations dites d’entretien. Les réparations afférentes à un l’immeuble sont prévues au travers de clauses dans le contrat de bail commercial. Une description détaillée de la répartition des réparations permettra de sécuriser les relations entre bailleur et preneur et d’éviter au maximum les conflits liés à votre bail commercial.

Mise à jour le : 2 novembre 2020
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