Faut-il conserver les salariés après avoir racheté un fonds de commerce ?

Dans le cadre d’une cession de fonds de commerce, le sort des salariés est une question essentielle.
Estelle BOCCARA - Responsable du contenu juridique
Estelle BOCCARA
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Publié le :
25 mars 2021
Temps de lecture :
6 min

Conserver ses salariés après un rachat de fonds de commerce

La notion de fonds de commerce n’est pas définie par le Code de commerce. La jurisprudence le définit comme un ensemble d’éléments corporels et incorporels permettant l’exploitation d’une activité commerciale et industrielle. On retrouve parmi les éléments la clientèle, la marchandise, le matériel ou encore le bail commercial. 

Le code de commerce fixe les règles applicables au fonds de commerce aux articles L. 141-2 et suivants du Code de commerce

Le fonds de commerce peut être cédé par son propriétaire. Si le propriétaire du fonds de commerce est également propriétaire des locaux et souhaite les céder, il devra faire deux cessions de fonds distinctes. Le chef d’entreprise peut également décider de céder les parts sociales ou les actions au lieu de céder le fonds de commerce. Le choix de l’une de ces options dépend de chaque situation. 

Le sort des salariés dans le cadre d’une cession de fonds de commerce pose plusieurs questions : Qu’est-ce qu’une cession de fonds de commerce ? Y a-t-il une obligation de reprise des salariés dans le cadre d’une cession de fonds de commerce ? Y a-t-il des exceptions à cette obligation de reprise ?

La cession d’un fonds de commerce

Le fonds de commerce est composé d’éléments corporels et incorporels :

  • Eléments corporels : le matériel et les marchandises. 
  • Eléments incorporels : la clientèle, l’achalandage, les signes distinctifs, les créations intellectuelles, le droit au bail, les licences et autorisations administratives. 

Certains éléments sont exclus du fonds de commerce. Il en est ainsi pour les contrats, dettes, créances et les immeubles. Pour pouvoir procéder à la cession d’un fonds de commerce des formalités doivent être respectées avant la cession du fonds et après la cession du fonds : 

  • Formalités avant la cession : le cédant doit informer dans certains cas les salariés de l’entreprise du projet de cession du fonds de commerce. Cette information leur permet de proposer en priorité des offres de rachat du fonds de commerce. Le propriétaire du fonds doit également, dans certains cas, informer la mairie de la commune dans laquelle est situé le fonds du projet de vente. Cette information préalable permet à la Commune de mettre en œuvre son droit de préemption. 
  • Formalités après la cession : le cessionnaire du fonds de commerce doit effectuer des formalités de publicité de la cession après la vente. La cession doit notamment être publiée dans un journal d’annonces légales ainsi qu’au BODACC. L’acquéreur doit également faire enregistrer l’acte de cession du fonds auprès du service des impôts. Acheteur et vendeur sont tenus d’effectuer des déclarations fiscales. Dans certains cas, l’acquéreur doit aussi déclarer la cession auprès du centre de formalité des entreprises (CFE). La cession du fonds de commerce nécessite une mise sous séquestre et parfois, l’accomplissement de formalités auprès de l’INPI lorsque le fonds comporte des marques ou brevets. 

L’obligation de reprise des salariés dans le cadre d’une cession de fonds de commerce

Au moment de la cession du fonds de commerce la question du sort des salariés de l’entreprise se pose. L’article L. 1224-1 du Code du travail pose le principe de l’obligation de reprise des salariés dans le cadre d’une modification de la situation juridique de l’employeur : 

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

Remarque : Cet article est applicable aux cessions de fonds de commerce en cours à compter du 18 juin 2020 conformément à l’article 40 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020. 

Cet article est applicable en matière de cession d’actifs. Il en est ainsi pour une cession de clientèle d’un cabinet d’expertise comptable par exemple (Cass, Soc, 9 mars 1994) ou encore de la cession de la clientèle et des camions d’une société de transport (Cass, Soc, 7 mars 1989). 

Cet article est d’ordre public comme le rappelle un arrêt rendu le 13 juin 1990 par la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass, Soc, 13 juin 1990). 

Les licenciements restent possibles pour la période antérieure au changement d’employeur dans la mesure où les droits des salariés sont respectés pour la rupture de leur contrat de travail (Cass, Soc, 8 juin 1979). 

Le principe est donc celui du maintien des contrats de travail en cours au moment de la cession. Cette obligation de maintien du contrat des contrats de travail s’applique également au contrat de travail suspendu (Cass, Soc, 8 février 1989). Ce transfert de contrat s’opère de manière automatique toutefois, il existe des exceptions au principe de reprise des salariés dans le cadre d’une cession de fonds de commerce. 

Les exceptions à la reprise des salariés dans le cadre d’une cession de fonds de commerce

Il existe plusieurs exceptions au principe de reprise des salaires dans le cadre d’une modification du statut juridique de l’employeur telle qu’une cession de fonds de commerce. Il existe plusieurs exceptions : 

  • La liquidation judiciaire : l’article L. 1224-1 du Code du Travail n’est pas applicable aux contrats de travail rompus dans le cadre d’une liquidation judiciaire et ce jusqu’au 31 décembre 2020. Cela signifie que les licenciements qui ont été prononcés avant la cession du fonds de commerce sont sans effet. 
  • La substitution d’employeur : cette deuxième exception est prévue comme pour la précédente à l’article L. 1224-2 du Code du travail

Ce qu’il faut retenir du sort des salariés dans le cadre d’un fonds de commerce

Le principe est celui de l’obligation de maintien des salariés par le repreneur d’un fonds de commerce dans le cadre d’une cession de fonds. Le salarié est donc par principe préservé des modifications de statut juridique de l’employeur (succession, cession ou fusion). Ce principe connaît plusieurs exceptions.

À noter : vendeur ou repreneur, vous avez le droit de prendre contact avec un avocat dans le cadre de votre projet de cession ou de reprise d’un fonds de commerce. L’avocat pourra vous apporter un véritable accompagnement juridique à tous les stades de la procédure de vente (négociations du prix de vente, cession et en cas de conflit devant le tribunal compétent pour vous assister ou vous représenter). L’avocat pourra également vous informer sur toutes les questions relatives à votre entreprise (mentions obligatoires dans une offre de reprise, création d’une entreprise, modification de la forme de la société, changement d’activité, délai applicable à votre procédure, redressement judiciaire, liquidation judiciaire, rédaction d’un contrat de travail ou modification du contrat de travail, licenciement …). Il pourra défendre vos droits en tant que salarié ou en tant qu’employeur. 

Mise à jour le : 25 mars 2021
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