Le nantissement du fonds de commerce

Pour garantir une dette, plusieurs privilèges peuvent être utilisés dans le cadre d’un fonds de commerce. Parmi ces privilèges, on retrouve le nantissement.
Estelle BOCCARA - Responsable du contenu juridique
Estelle BOCCARA
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Publié le :
13 avril 2021
Temps de lecture :
6 min

Le nantissement du fonds de commerce

Le fonds de commerce est prévu par le Code de commerce aux articles L. 141-2 et suivants. Si le Code de commerce ne donne pas de définition précise, la jurisprudence qualifie le fonds de commerce d’ensemble d’éléments corporels et incorporels permettant l’exploitation d’une activité commerciale ou industrielle. 

Le fonds de commerce peut être financé de différentes manières. Il peut être financé avec ou sans apports, à l’aide d’un emprunt ou avec des investisseurs. Le propriétaire du fonds de commerce peut décider de céder librement le fonds de commerce et de céder distinctement les locaux commerciaux dans le cas où il est également propriétaire des murs. 

Pour garantir certaines dettes liées à l’achat ou à l’exploitation du fonds de commerce, les créanciers ont régulièrement recours à des garanties. Le droit des sûretés offre un panel de garanties à la disposition des créanciers pour sécuriser les créances. Il existe des garanties spéciales dans le cadre du fonds de commerce. La garantie la plus utilisée reste le nantissement. 

Le nantissement du fonds de commerce pose alors plusieurs questions : Qu’est-ce qu’un nantissement ? Qu’est-ce qu’un nantissement conventionnel ? Qu’est-ce qu’un nantissement judiciaire ?

Qu’est-ce que le nantissement ?

Le nantissement de fonds de commerce est une sûreté réelle. Cela signifie qu’il porte sur une chose. Il s’agit d’une sûreté sans dépossession, le débiteur n’est ainsi pas dépossédé de la chose qu’il met en garantie, il la conserve. Le nantissement est prévu aux articles 2355 et suivants du Code civil ainsi qu’aux articles L. 142-1 et suivants du Code de commerce. L’article 2355 du Code civil définit le nantissement comme : 

«  Le nantissement est l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs (…) ». 

Le nantissement peut être conventionnel ou judiciaire. Cela signifie qu’il peut être fait à l’amiable entre créancier et débiteur ou peut être fait devant le juge. Le nantissement confère au créancier nanti deux droits : 

  • Droit de préférence : le droit de préférence est le droit d’être payé en priorité par rapport aux autres créanciers du débiteur. Ce droit permet de modifier l’ordre des créanciers en attribuant une préférence au créancier titulaire du droit de préférence. 
  • Droit de suite : le droit de suite est le droit pour le créancier de poursuivre le bien nanti en « quelques main qu’il passe ». Le créancier pourra ainsi suivre le bien peu importe le propriétaire du bien. Ce droit est prévu à l’article 2461 du Code civil.  

Le nantissement concerne les professionnels qui sont titulaires d’une dette à l’égard d’un créancier. Cette dette peut porter sur du matériel en particulier ou sur le fonds de commerce. Le nantissement peut ainsi porter sur : « l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientиle et l'achalandage, le mobilier commercial, le matйriel ou l'outillage servant а l'exploitation du fonds, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés » comme le rappelle l’article L. 142-2 du Code de commerce.

Le nantissement peut être également possible pour le fonds artisanal ou fonds agricole

Pour pouvoir être opposable aux tiers, le nantissement doit faire l’objet d’une inscription auprès du registre tenu par le Greffe du Tribunal de commerce du lieu d’exploitation du fonds de commerce. L’inscription doit être faite dans les 30 jours suivant la date de l’acte de nantissement sous peine de nullité du nantissement conformément aux dispositions de l’article L. 142-4 du Code de commerce

Cette procédure d’inscription s’applique aussi bien aux nantissements conventionnels qu’aux nantissements judiciaires. Les tarifs applicables en matière d’inscription de nantissement sont les suivants : 

Montant de l'inscription Tarif avec posteTarif sans poste*
Inférieur à 20.800 € (si acte notarié)21,47 €19,71 €
Inférieur à 20.800 € (si acte ssp)25,70 €23,94 €
Entre 20.800 € et 41.600 € (si acte notarié)89,05 €91,89 €
Entre 20.800 € et 41.600 € (si acte ssp)93,28 €91,51 €
Supérieur à 41.600 € (si acte notarié)132,70 €130,93 €
Supérieur à 41.600 € (si acte ssp)136,92 €135,16 €

Source : Greffe du Tribunal de Commerce de Nanterre

À noter : la promesse de nantissement portant sur un futur fonds de commerce est possible mais l’inscription ne sera possible qu’une fois le fonds créé (Cour d’appel de Paris, 27 sept. 1996).

Le nantissement conventionnel

Le nantissement conventionnel est le nantissement prévu à l’amiable entre le créancier et le débiteur. Il est prévu dans le cadre d’un contrat passé entre le propriétaire du fonds de commerce et son créancier (banque, investisseur, tiers …). L’acte de nantissement va permettre aux commerçants de rassurer les établissements bancaires en vue d’obtenir un financement du fonds de commerce

Lorsque le commerçant ne dispose pas d’apport suffisant pour créer ou racheter un fonds de commerce, il peut recourir à un emprunt ou à des investisseurs en proposant un nantissement portant sur le fonds (pour obtenir un crédit). 

Ce privilège n’est toutefois pas toujours apprécié des créanciers dans la mesure où le fonds de commerce peut perdre de la valeur en fonction de l’exploitation qui sera faite par le commerçant. Si le fonds perd de la valeur, le nantissement perd son intérêt. 

Le nantissement judiciaire

Le titulaire d’une créance peut demander en justice un nantissement judiciaire. Si le créancier démontre que le recouvrement de sa créance est en péril il peut solliciter du juge un tel nantissement. Le créancier devra prouver l’urgence de la situation. 

L’inscription de l’acte est provisoire, elle devra être faite dans les 15 jours suivant la décision du juge compétent. Il peut s’agir du juge de l’exécution ou du président du Tribunal Judiciaire. Cette inscription devra être faite au Greffe du Tribunal de commerce. 

Le débiteur peut demander la mainlevée de l’inscription s’il souhaite contester ce nantissement. Le créancier peut par la suite obtenir l’inscription définitive de l’acte de nantissement en saisissant le juge compétent pour obtenir une décision définitive. 

Ce qu’il faut retenir du nantissement de fonds de commerce

Le nantissement est une sûreté réelle sans dépossession. Elle peut porter sur le fonds de commerce et être faite à l’amiable ou judiciairement. Elle confère au titulaire de la créance un droit de préférence et un droit de suite. 

À noter : créancier ou débiteur, vous avez le droit de faire appel à un avocat dans le cadre de la rédaction d’un acte de nantissement. L’avocat généraliste ou spécialisé en droit des sûretés, droit bancaire, droit immobilier ou droit des affaires pourra répondre à toutes vos questions (création d’entreprise, changement de forme de société, cession de titre ou de parts sociales, formalités de cession de fonds de commerce)

Mise à jour le : 13 avril 2021
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